1.

Lundi 7 janvier 1585, lendemain de l’Épiphanie

Olivier Hauteville rentrait chez lui fort contrarié. Il n’avait pas trouvé le père Jean Boucher, recteur de la Sorbonne et curé de Saint-Benoît de la Sainte-Trinité, au rendez-vous que le religieux lui avait donné.

Le jeune homme lui avait écrit avant les fêtes de Noël afin de convenir d’une date pour la soutenance de sa thèse en philosophie. La lettre avait été portée par Gilles – son valet – et le recteur avait répondu verbalement qu’il le recevrait à tierce le 7 janvier devant l’imprimerie de la Sorbonne.

Il n’y était pas, et Olivier l’avait attendu en vain avant de se rendre à la cure de Saint-Benoît, près de Sainte-Geneviève, où habitait Jean Boucher. Personne ne s’y trouvait, pas même un domestique !

Alors qu’il s’approchait du Petit pont, Olivier vit une foule agitée entre le Petit-Châtelet et les grèves qui descendaient vers la rivière.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il à un huissier du Palais, en robe et bonnet noirs, qui s’était arrêté comme lui.

— C’est un libraire, je crois, un huguenot. Il vendait des libelles contre Mgr de Guise. On va le jeter à la Seine.

Curieux, Olivier s’approcha afin de ne rien rater du spectacle qui s’annonçait. Avec une corde, une bande de clercs du Palais tirait sur la grève enneigée un homme sans connaissance qui n’était plus qu’une plaie.

Olivier se sentit brusquement mal à l’aise. Quelqu’un à côté de lui se signa et se mit à prier.

— Vous le connaissez ? demanda Olivier.

— Oui, c’est mon voisin. Je ne comprends pas… il n’est pas huguenot !

Des cris et des hurlements retentirent. Une femme en robe noire et tablier parvint à traverser la foule. Son fichu lui avait été arraché et ses cheveux gris flottaient au vent.

— Laissez-le ! hurla-t-elle en se jetant sur le clerc qui tirait la corde.

— C’est la femme de l’hérétique ! vociféra un homme.

Aussitôt, on se jeta sur elle pour la frapper et lui arracher ses vêtements. Des femmes se joignirent à la curée.

Olivier regardait, tétanisé. Des archers qui gardaient le Petit pont s’étaient approchés pour commenter la rixe. Armé d’un bâton, un homme assena un violent coup sur la tête de la femme. Le sang jaillit et elle s’écroula. Plusieurs mains saisirent alors les deux corps inanimés et, s’approchant de la rivière, les jetèrent à l’eau. Ils furent aussitôt emportés par le courant glacé. Des enfants, vite imités par les clercs, se mirent à leur jeter des pierres pour les faire couler.

Maintenant que tout était terminé, des groupes de badauds commentaient et approuvaient bruyamment l’exécution des hérétiques. Depuis la Saint-Barthélemy, il était légitime de jeter les disciples de Calvin à la Seine, répétaient-ils à plaisir.

— Ils avaient qu’à aller à la messe ! assura une matrone à la hure de hyène dont la bouche féroce exprimait toute la méchanceté du monde.

Malgré son dégoût, Hauteville opina.

— Mort au Bougre ! Vive Guise ! criaient les clercs, tout fiers d’avoir fait justice en voyant les corps sombrer dans les remous du fleuve.

— Au couvent, le Bougre escouillé ! Mort aux hérétiques ! répliqua un homme vivement applaudi.

Olivier haussa les épaules pour se donner une contenance et reprit son chemin vers le Châtelet, tandis qu’arrivait par le pont Saint-Michel une troupe de gardes du roi et que la foule se dispersait.

Les clercs avaient eu raison, tentait-il de se convaincre. Heureusement que Mgr de Guise était là ! Comme l’avait fait son père, François de Guise, le duc les protégerait de leur bougre de roi et des hérétiques qui voulaient exterminer les bons chrétiens.

Sur le Petit pont, par un espace entre deux maisons, il regarda la Seine. Les corps avaient réapparu, ils allaient sans doute s’accrocher dans les piles de bois du pont Saint-Michel. Alors qu’il contemplait ce triste spectacle, des souvenirs enfouis affleurèrent à la mémoire d’Olivier.

On était le dimanche 24 août 1572. Il avait neuf ans et c’était la Saint-Barthélemy. Réveillé par le tocsin, il avait vu Margotte – la gouvernante qui s’occupait de lui depuis la mort de sa mère et qui partageait la couche de son père – debout à la fenêtre de la chambre, en chemise de nuit. Son père se tenait à côté d’elle avec une lanterne. Le jour pointait. Ils regardaient tous les deux dans la rue. Sortant de son lit, il s’était approché pour regarder, lui aussi.

Une bande d’hommes à cheval, en morion et corselet, épée et pique à la main, suivie d’un prêtre et dirigée par un gentilhomme dont l’armure de cuivre étincelait – il avait appris depuis que c’était le duc de Montpensier – brisait la porte de la maison à l’enseigne du Plat d’Étain, en face de chez eux. C’était celle d’un gentilhomme protestant dont on disait qu’il était parent de l’amiral de Coligny.

Les hommes étaient entrés, puis avaient retenti des coups de mousquet, des cris, et enfin des hurlements. Alors, il avait vu avec horreur des corps jetés par les fenêtres : d’abord le chef de la famille, puis ses fils âgés d’une dizaine d’années. Ensuite ce fut son secrétaire, suivi des femmes de la maison, des servantes, pour la plupart toutes désaccoutrées, et enfin de plus jeunes enfants. Même un enfantelet qui vagissait encore.

Dans la rue, des gens étaient sortis pour assister au massacre. Descendu pour se renseigner, son père n’avait pas tardé à remonter, livide.

— Le roi a appris que les hérétiques voulaient attaquer le Louvre… le Palais… et la Bastille… tuer toute sa famille… piller la ville, avait-il balbutié sous le coup de l’émotion. Tout avait été préparé par Coligny et ses amis. Ça ne m’étonne pas, avec toutes les atrocités qu’il a commises l’année dernière en Languedoc ! Qu’est-ce qui a pris à notre roi de lui faire confiance ! Heureusement qu’il a déjoué ce complot. Il a décidé d’exécuter l’amiral de Coligny et de punir tous ceux qui y participaient… M. de Grandcastel, notre voisin, en faisait partie… Il a payé et c’est justice. Le prévôt des marchands et les échevins avaient reçu des ordres…

— Mais les femmes… les enfançons…, avait balbutié sa gouvernante, tremblante d’émotion.

— Femmes de huguenots ! Elles ne sont bonnes qu’à être troussées ! avait répondu brutalement son père en détournant le regard pour cacher ses larmes.

Olivier était resté devant la fenêtre ouverte, muet de stupeur devant l’épouvantable spectacle. Le tocsin sonnait maintenant dans toutes les églises. Par moment, il reconnaissait le son de la Babillette et de la Muette, les deux des grandes cloches de Notre-Dame. La bande du gentilhomme à l’armure brillante s’était éloignée pour s’occuper d’une autre famille d’hérétiques. Les voisins déshabillaient les victimes afin de rapiner leurs vêtements. Des pillards vidaient la maison, d’autres découpaient les têtes des cadavres avec des tranchoirs pour les accrocher aux fenêtres, d’autres encore attachaient les corps par des cordes et les tiraient vers la Seine, sans doute pour les jeter à l’eau.

Toujours en regardant la rivière et les corps qui flottaient, Olivier se souvint des odeurs âcres de chairs grillées, du feu, de la fumée, des ombres qui couraient, des éclairs rouges des épées et des poignards, des cris incessants : « Vive Jésus ! Vive la messe ! »

En bas de la rue, une autre troupe armée était apparue. Sous son morion, Olivier avait reconnu le dizainier de leur quartier ; un brave homme qui venait souvent chez eux parler avec son père. Il y avait aussi plusieurs bourgeois de sa connaissance.

— Il y a des hérétiques ici ! avaient crié des voisins en désignant une porte.

Aussitôt la troupe s’était dirigée vers la maison. Quelques minutes plus tard, on jetait les corps d’une femme et de son fils par les fenêtres. Le garçon était son ami et il n’avait pu détacher son regard du petit corps ensanglanté.

— Que fais-tu encore là ! avait crié son père. Va dans la cuisine et n’en bouge plus !

Jamais, il ne l’avait vu ainsi. Son père ne maîtrisait plus ses gestes et son visage était secoué de tremblements convulsifs tant il avait peur. Il avait poussé le volet de bois intérieur, fermé le verrou, et l’avait saisi par le bras pour l’emmener. Ensemble, ils avaient dévalé l’escalier. En bas, son père avait vérifié que la grille qui doublait la porte était baissée.

Tout le monde s’était retrouvé dans la cuisine. La gouvernante, les servantes, le commis de son père. Tous étaient terrifiés, livides. Du dehors, des cris assourdis leur parvenaient : des hurlements, des supplications, et surtout le fracas continuel des arquebuses et des pistolets. La gouvernante s’était mise à prier, aussitôt imitée par tous.

Son père avait tenté de les rassurer.

— Que risquons-nous ? Ils ne s’attaquent qu’aux huguenots et nous sommes bons catholiques. Nous n’avons pas à nous en mêler !

La gouvernante l’avait regardé, les yeux emplis de larmes et de tristesse.

— Et s’ils croient qu’on est des hérétiques ?

— Nous sommes de bons catholiques ! avait crié son père d’une voix étranglée, tout en frappant du poing sur la table. Nous allons à la messe et à confesse. Tout le monde le sait dans le quartier !

Il devait pourtant penser que cette protection était insuffisante, car il avait ajouté au bout d’un instant :

— Et puis la maison est solide, c’est une forteresse imprenable.

Le tocsin sonnait de façon continue, sans pour autant couvrir les bruits du massacre, les hurlements d’agonie et les coups de feu.

Alors que le bruit faiblissait, son père était retourné dans l’escalier pour observer la rue par une meurtrière.

— Alors ? avait demandé la gouvernante, en le voyant revenir.

— Tout est rouge de sang, Margotte, avait-il dit en cachant mal sa détresse. Le bijoutier qui habite en face de l’épicier du Drageoir Bleu est pendu à sa fenêtre avec sa femme. Il y a des bandes de gueux dans la rue qui dépouillent les cadavres.

Olivier se souvenait encore que Margotte l’avait serré dans ses bras en priant.

— Il y a d’autres pillages vers la rue de Venise, avait-il ajouté. L’auberge du Porcelet Blanc est saccagée. Il ne faut pas sortir, il suffit d’attendre. Le roi va forcément envoyer des Suisses ou des gardes françaises pour rétablir l’ordre.

Ils avaient mangé le pain sec qui restait. La cuisinière avait préparé une épaisse soupe, mais en montrant les récipients alignés contre le mur, elle les avait prévenus qu’elle n’avait presque plus d’eau.

L’eau était rare. Chaque matin, la cuisinière allait à la fontaine pour remplir les quinze seaux indispensables pour la boisson et la cuisine. Seule une petite quantité était utilisée pour se laver les mains lorsqu’elles étaient trop sales, et aux beaux jours, ils se les lavaient uniquement à la fontaine. Le reste du temps, ils ne se décrassaient qu’avec une toile sèche et du vinaigre, sauf deux fois par mois, quand ils allaient aux étuves.

— Il faut garder l’eau pour boire, avait décidé M. Hauteville. Ce soir, j’irai à la fontaine remplir un seau.

C’est durant ce repas que leur commis, Jacques Le Bègue, avait proposé qu’ils établissent un tour de garde et qu’ils s’arment pour se défendre si les pillards parvenaient à entrer dans la maison. Son père avait acquiescé et était allé chercher la pertuisane qu’il utilisait pour les rondes du guet bourgeois. C’était la seule arme de la maison. Le Bègue avait pris une hache et le valet un long couteau. Sa gouvernante avait gardé le dernier couteau pour elle. Elle savait quel serait son sort si les pillards pénétraient chez eux.

La journée s’était écoulée en prières. Le soir, son père l’avait embrassé et lui avait longuement parlé de sa mère qui était au ciel. Ils avaient prié pour elle en lui demandant de l’aide.

Le lendemain, un échevin et quelques bourgeois casqués et armés d’arquebuses étaient venus chez eux. Le commis avait peur de les laisser entrer et son père avait longuement parlementé avec les visiteurs avant d’ouvrir.

Mais ils ne faisaient pas partie des pilleurs et des fanatiques. Olivier s’était glissé dans un coin de la chambre pour écouter la conversation.

— Il faut mettre un terme aux violences, avait dit l’échevin. Le roi n’a jamais voulu ces meurtreries. Sa Majesté ordonne à tous les bourgeois de Paris de rejoindre leur quartenier pour former un corps de garde.

— Pourquoi ces massacres ? avait interrogé son père. Je n’ai pas osé sortir sinon pour chercher un peu d’eau.

L’échevin avait raconté le complot présumé de Coligny et comment le roi s’en était protégé en frappant le premier et en demandant à ses proches et à la milice urbaine l’exécution des complices. Cela, c’était justice. Mais ensuite, tout le monde s’était mis au pillage. La veille, Claude Marcel, l’ancien prévôt des marchands, avait désigné ceux qu’il fallait tuer. Avec une bande d’écorcheurs, il avait parcouru la ville pour éventrer femmes, enfants, et nourrissons.

— La tuerie est finie ? avait demandé son père.

— Dans la rue Saint-Martin, qui appartient au chapitre de Saint-Merry et au prieuré Saint-Martin, oui car elle abrite peu de protestants. Mais plus haut, vers l’enseigne du Chapeau-Rouge, il y a beaucoup de financiers et de changeurs calvinistes. Là, le massacre continue. J’ai vu de mes yeux des dizaines de cadavres pendus sur l’échelle patibulaire de Saint-Martin-des-Champs. Je vous en conjure, monsieur Hauteville, vous devez venir avec nous pour rétablir l’ordre, sinon, ces morts resteront sur notre conscience et Dieu nous jugera.

Son père n’avait pas hésité. Il avait saisi sa pertuisane et son casque, et était parti avec eux. Il n’était rentré que le soir, le visage défait.

— Les chaînes sont tendues dans les rues et les portes de la ville sont fermées. Le massacre continue dans le quartier de Saint-Germain-l’Auxerrois où des centaines de huguenots, venus pour assister aux noces d’Henri de Bourbon, ont été occis. Au milieu des rues sèchent des ruisseaux de sang, et les cadavres déshabillés sont partout, pendus aux fenêtres, aux arbres, ou abandonnés sur le sol, avait-il dit à Margotte. Il y a quantité de maisons pillées aux portes brisées. Presque tous les joailliers du pont Notre-Dame, qu’ils soient hérétiques ou non, ont été assassinés et jetés dans la Seine. Une troupe appartenant au duc d’Anjou les a mis au pillage, hier.

» Des bandes de meurtriers parcourent encore les rues, enfonçant les portes, égorgeant ceux qu’ils veulent rançonner et forçant les femmes qu’ils abandonnent nues et ensanglantées dans les rues. Paris ressemble à une ville en guerre prise d’assaut. Nous avons réussi à protéger quelques catholiques, mais pour les hérétiques, c’était impossible, on nous aurait massacrés.

Dans la rue redevenue calme, Margotte et la servante, escortées de Gilles et de Jacques Le Bègue, porteur de la hache, étaient allées chercher de l’eau et avaient pu, à prix d’or, acheter quelques légumes et du lard. Les marchés étaient fermés, aucun chariot d’approvisionnement n’entrait dans Paris.

Son père était reparti le mardi, et en rentrant le soir, il leur avait appris que le roi avait tenu un lit de justice au palais de justice. À cette occasion, il avait déclaré devant le parlement n’avoir agi que pour « prévenir l’exécution d’une malheureuse et détestable conspiration faite par ledit amiral, chef et auteur d’icelle et ses dits adhérents et complices en la personne dudit seigneur roi et contre son État, la reine sa mère, MM. ses frères, le roi de Navarre, princes et seigneurs étant près d’eux ».

Sa Majesté avait justifié le massacre, mais ordonné qu’il cesse puisque justice était faite. Ses prévôts et ses gens d’armes avaient ordre de pendre ceux qui s’attaqueraient désormais à des protestants.

Le dimanche suivant, Olivier était sorti pour la première fois depuis la Saint-Barthélemy. Les massacres avaient cessé, mais comme il se rendait à Saint-Merry avec son père pour écouter la messe, on voyait encore des cadavres pendus aux fenêtres. Certains étaient couverts de corbeaux qui les picoraient, d’autres étaient noirs de mouches bourdonnantes. Il se souvenait surtout de l’odeur. Avec la chaleur d’août, la puanteur habituelle des crottes et des déjections était masquée par celle de la mort et du sang séché. C’étaient les mêmes relents infects qu’on respirait dans le quartier de la Grande boucherie.

Le sermon avait été fait par le père Boucher qui était maintenant recteur de la Sorbonne et qui dirigeait sa thèse.

Selon lui, l’occision des protestants était une juste punition de Dieu. Nous ne devrons jamais l’oublier ! avait-il martelé avec fureur à ses ouailles.

— Le père Boucher a raison, c’est moi qui suis trop faible, avait seulement dit son père en sortant de l’église.

Dans les jours suivants, le calme était revenu. De nouveaux voisins avaient emménagé et les horreurs de ces trois effroyables journées s’étaient estompées. Son père n’en avait plus jamais parlé, ni Margotte.

Charles IX, le responsable de la tuerie, était mort deux ans plus tard, rongé par le remords, disait-on. Le nouveau roi, Henri III, qui avait pourtant participé au massacre bien qu’il clame le contraire, tentait de conduire depuis dix ans une politique d’équilibre entre catholiques et protestants. Seulement, chacun savait qu’il protégeait les hérétiques.

Son père lui avait souvent répété l’affirmation du père Boucher : vivre à côté d’un huguenot sans le dénoncer, c’était se condamner à la damnation éternelle ! Olivier lui donnait raison. Pourtant, après ce qu’il avait vu devant le Petit pont, il ne se sentait plus si sûr de lui. Secoué par la vision de cet homme et de cette femme ensanglantés, assassinés, mais aussi par les souvenirs qui affleuraient, il ne savait plus que penser. Il oublia le père Boucher et sa thèse, et se pressa pour rentrer chez lui. Il fallait qu’il parle avec son père et Margotte de ce qu’il venait de voir.

Depuis des mois, Olivier entendait dire que les violences se multipliaient contre les huguenots. Qu’on rapinait leurs biens, qu’on les pendait ou qu’on les jetait en Seine. Le peuple faisait désormais justice lui-même, car chaque fois que des hérétiques étaient arrêtés, le roi les protégeait. L’année précédente, après avoir saisi un ministre et ses auditeurs durant un prêche, le parlement les avait seulement bannis de la prévôté de Paris, alors qu’on aurait dû les brûler vifs, ou au moins les pendre.

Depuis des semaines, des clercs de la Sorbonne assuraient que les huguenots entraient dans Paris pour préparer une Saint-Barthélemy des catholiques. Olivier se rappelait des horreurs que son père lui avait racontées sur la prise de Cahors, cinq ans plus tôt, par les soudards d’Henri de Navarre. Les huguenots ont amené l’enfer sur la terre, répétait-il souvent en rapportant les atrocités des reîtres qui confectionnaient des colliers d’oreilles arrachées aux pauvres catholiques.

Si le roi ne les protégeait pas de la méchanceté des hérétiques, le duc de Guise le ferait. Après tout, son père avait déjà sauvé la France.

Olivier traversa l’île et, après avoir passé le pont Notre-Dame, remonta rapidement la rue des Arcis puis la rue Saint-Martin. Il eut son premier sourire quand il aperçut la tourelle hexagonale de leur maison.

C’était une de ces constructions biscornues comme il y en avait tant à cette époque où les encoignures, les courettes et les culs-de-sac étaient innombrables. Situé du côté de la rue de Venise, à peu près en face de la rue des Ménétriers, leur logis avait été construit par le grand-père d’Olivier sous le règne de Henri II. On le remarquait à sa tourelle à six pans qui s’avançait sur la rue. C’était l’unique entrée de la maison.

Au niveau de la rue Saint-Martin, la tourelle bornait une courette de quinze pieds de large et profonde de huit. En vérité, c’était plutôt un porche dont la couverture constituait le plancher du premier étage. L’autre côté de cet espace était fermé par l’échoppe d’un tailleur qui avait deux devantures voûtées en ogives, l’une ouvrant sur la courette, l’autre sur la rue et dont les colombages au-dessus étaient peints en vert.

Leur maison était construite sur deux étages, avec de vastes combles sous le grand pignon fortement pentu aux colombages rouge vif. Les deux niveaux d’habitation avaient chacun deux salles principales ouvrant dans l’escalier à vis enchâssé dans la tour. En tout, il y avait donc quatre chambres, sans compter les galetas et les garde-robes. Le père d’Olivier et la gouvernante qui l’avait élevé à la mort de sa mère occupaient chacun une salle du premier niveau, Olivier et le commis de son père logeaient au second niveau. La cuisinière, le valet et la servante dormaient sous les combles.

Arrivant dans le porche couvert qui formait courette, Olivier y découvrit le tailleur en conversation avec un autre voisin. Tous deux arboraient un air sinistre. La porte de la tourelle était ouverte, ce qui ne manqua pas de l’étonner, son père la fermant toujours soigneusement à clef.

— Monsieur Hauteville ! le héla le tailleur en l’apercevant… On vous attend…

— Qui donc ?

— Il… il y a eu… un grand malheur, bredouilla son voisin.

Olivier comprit que quelque chose de grave était survenu et son cœur se mit à battre le tambour.

— Mon père ? fit-il en déglutissant.

— Vous devriez entrer, proposa doucement le tailleur en détournant le regard.

Olivier le regarda un instant sans comprendre, puis pénétra dans la tourelle pour grimper les marches quatre à quatre. La porte de la chambre de son père était ouverte. Un inconnu en velours noir et toquet de la même couleur se tenait dans la pièce avec, à ses côtés, deux archers du guet armés d’épée et de pertuisane. Jacques Le Bègue, le commis, et Perrine, la servante, étaient agenouillés et gémissaient devant le lit sur lequel son père était allongé, son pourpoint noir marqué d’une large tache sombre.

En le découvrant ainsi, blessé, inanimé, peut-être mort, Olivier eut l’impression que la pièce tanguait.

— Qui êtes-vous ? demanda l’homme en noir d’un ton menaçant.

— Père ! cria le jeune homme en se précipitant vers le lit sans se préoccuper de personne.

Olivier prit une main. Elle était rigide et glaciale. Il remarqua alors combien le visage de son père était figé dans une expression de surprise. La plaie sur sa poitrine était bien visible. Un coup de lame juste sous le cœur avait déchiré le pourpoint. Ce fut seulement à cet instant qu’Olivier comprit qu’on avait tué son père.

Il embrassait le cadavre en sanglotant quand, subitement, on le tira sans ménagement en arrière.

— Laissez-moi… qui êtes-vous ? Vous l’avez tué !

C’était l’homme en noir qui l’avait saisi. Olivier le considéra dans un mélange d’aversion et de curiosité. Il était de petite taille, avec un faciès de furet, un visage anguleux, des lèvres fines trop claires, et surtout un teint bilieux, déplaisant, rehaussé par une barbe et une courte moustache noires.

— Vous êtes son fils ? demanda l’inconnu avec malveillance.

— Oui, qu’est-il arrivé ? demanda Olivier en étouffant un sanglot.

— C’est moi qui pose les questions, et c’est vous qui allez nous le dire, asséna l’homme en noir.

En parlant, il scrutait Olivier avec de petits yeux méchants et inquisiteurs.

— Mais qui êtes-vous, enfin ? gémit le jeune homme.

— Je suis le commissaire du quartier, M. Louchart. M. Le Bègue vient de nous prévenir du massacre.

— Le massacre… je ne comprends pas…

Louchart se taisait, arborant une expression à la fois sévère et méprisante.

— Madame et Gilles, murmura alors Le Bègue. Ils sont à côté…

— Quoi ? Pourquoi Margotte n’est pas là ? demanda Olivier.

— Elle… elle aussi, sanglota le commis.

Le jeune homme se releva, son regard s’égara sur la chambre, sur les deux archers indifférents à son malheur, sur Louchart enfin, qui, les paupières plissées, le fixait toujours avec une sorte d’ironie malveillante. En vacillant, il se dirigea vers la porte à côté du lit qui séparait la chambre de son père et celle de Margotte.

Margotte, qui l’avait élevé, était étendue sur son lit, la gorge tranchée. C’était une plaie béante, une plaie de boucherie. Sa robe était maculée de sang. Sur le carrelage, dans une position grotesque, se trouvait Gilles baignant dans une épaisse flaque de sang.

Thérèse, leur vieille cuisinière, grosse comme une tour et déformée par l’embonpoint, priait à genoux devant le lit.

— Margotte ! hurla-t-il en découvrant l’horrible scène.

— Où étiez-vous ? s’enquit le commissaire qui se tenait derrière lui.

Olivier se retourna, le visage défait, en larmes. Il étouffait, sa famille venait de disparaître, il vivait un cauchemar. Il allait se réveiller !

— Moi ? bafouilla-t-il.

— Croyez-vous que je parle à cette femme ? fit le commissaire Louchart en désignant Margotte.

Olivier se retint de le frapper.

— Cette femme était comme ma mère, monsieur !

— Vous ne m’avez pas répondu, jeune homme.

— Où j’étais ? J’étais à la Sorbonne… Je devais rencontrer M. le recteur, le père Jean Boucher, qui est le curé de Saint-Benoît de la Sainte-Trinité.

— Pourquoi ?

La surprise et l’horreur commençaient à se dissiper et Olivier reprit un peu d’assurance :

— Il devait me donner une date pour la soutenance de ma thèse en philosophie.

— Il pourra donc confirmer que vous étiez avec lui ? s’enquit Louchart d’un ton affecté.

— Non, je ne l’ai pas vu, répliqua le jeune homme en secouant la tête. Mais quelle importance ? Qui a commis ces crimes ?

— J’ai besoin de savoir où se trouvait chacun d’entre vous quand ce massacre a eu lieu, fit Louchart. Le commis de votre père était au tribunal de l’élection, votre cuisinière et votre servante, chez des boutiquiers, il n’y a que vous dont j’ignore l’alibi.

— L’alibi ? De quoi parlez-vous ? D’abord, répondez-moi, que s’est-il passé ici ? Ce sont des rôdeurs ? Les connaissez-vous ?

— Ce n’étaient pas des rôdeurs. Votre père a ouvert à quelqu’un qu’il connaissait. Pourquoi pas à vous ?

— Quelle stupidité ! C’était mon père !

— Il est plus courant qu’on ne le croit qu’un fils assassine son père pour hériter plus tôt, asséna le policier avec une sorte de dégoût.

— Vous êtes fou ! fit Olivier en secouant la tête, complètement ahuri.

— Donc le père Boucher ne pourra pas confirmer votre présence à la Sorbonne ? Avez-vous rencontré quelqu’un d’autre ?

— Heu… Non.

— Ennuyeux…

— Pourquoi ?

— Où êtes-vous allé exactement ? demanda Louchart d’un ton dubitatif.

— D’abord à la Sorbonne. Nous devions nous retrouver devant l’imprimerie. J’ai attendu M. le recteur près d’une heure. Ensuite je suis allé chez lui, mais il n’était pas là. Personne ne m’a ouvert.

— Qui avait décidé de cette rencontre ?

— Gilles, notre laquais, lui avait porté une lettre avant Noël et le père Boucher lui avait donné verbalement le jour, l’heure et le lieu de notre rencontre.

— Je vérifierai, mais votre Gilles ayant eu le ventre ouvert, il sera difficile de le faire parler, plaisanta Louchart dans un sourire méprisant.

Il fit quelques pas dans la pièce, avant de déclarer :

— Les archères de la tourelle d’escalier permettent de savoir qui veut entrer, et M. Le Bègue m’a affirmé que M. Hauteville baissait toujours la grille située derrière la porte.

— En effet. Mon père était d’un naturel prudent.

— M. Le Bègue m’en a montré le mécanisme. C’est très astucieux…

L’unique entrée de la maison se situait dans la tour contenant l’escalier. À l’intérieur du mur, une herse de fer pouvait barrer le passage si on brisait la porte. Elle glissait dans de profondes rainures de pierre et ne pouvait être forcée tant ses barreaux étaient épais. Suspendue par une poulie, elle se déplaçait à l’aide d’un contrepoids qui glissait dans le mur. Un levier, dissimulé dans la chambre de M. Hauteville, permettait de la monter et de la descendre facilement. En bas, il était possible de la verrouiller et de la déverrouiller avec la clef de la porte d’entrée. Grâce au contrepoids, on pouvait aussi la lever à la main. Enfin, ultime sécurité, un verrou permettait de la condamner, depuis la chambre de M. Hauteville. Il était le seul avec son fils à savoir le faire fonctionner.

Ce mécanisme prodigieux avait été commandé par le grand-père d’Olivier à un maître serrurier. Il n’existait que trois clefs. Une pour M. Hauteville, une pour son fils, et une pour M. Le Bègue, qui la confiait à la cuisinière quand il sortait, car lorsque les maîtres étaient dehors et avaient verrouillé, il fallait qu’au moins une des personnes à l’intérieur dispose d’une clef.

S’il se présentait un visiteur, il était aisé de savoir qui demandait à entrer en regardant par les meurtrières ouvertes le long de la cage d’escalier.

— Comme M. Hauteville a ouvert sans méfiance avec sa clef, il devait connaître son assassin… poursuivit le commissaire. À moins, bien sûr, que celui qui est entré n’ait eu une clef…

— Peut-être… sans doute, répondit Olivier avec indifférence, incapable encore de prendre conscience de ce qui venait d’arriver.

— Sûrement ! Seulement, personne ne peut dire où vous étiez. Aussi, je vais vous raconter ce qui s’est passé : vous avez fait semblant de partir à la Sorbonne, vous avez dû traîner dans la rue jusqu’à ce que la cuisinière et la servante sortent. Sans doute espériez-vous que Gilles soit avec elles, car vous auriez préféré qu’il n’y ait personne, mais bon…

» Ensuite vous êtes revenu. Vous avez ouvert avec votre clef. Vous avez poignardé votre père dans sa chambre, mais la maîtresse de votre père – c’était sa maîtresse, n’est-ce pas – vous a entendu, alors vous l’avez égorgée, et comme il restait Gilles, vous l’avez appelé par l’escalier. Il est descendu sans méfiance, et vous l’avez poignardé ici, devant la porte. Puis vous êtes tranquillement parti pour revenir maintenant.

Pendant que le commissaire parlait ainsi d’un ton monocorde, Olivier secouait la tête, les yeux révulsés par les accusations dont il était l’objet.

— Je vais vous conduire au Grand-Châtelet où le lieutenant criminel vous interrogera, décida Louchart.

— Vous êtes fou ! s’écria Olivier. Chacun ici vous dira que j’aimais mon père, et aussi Margotte !

— Vous aimiez Margotte ? Ce pourrait être un aveu ! je pensais que vous aviez tué votre père pour jouir de ses biens, mais peut-être étiez-vous aussi jaloux de lui, répliqua Louchart. Vous deux, garrottez-le !

— Non ! Allez au diable !

La cuisinière et la servante regardaient la scène, médusées, pétrifiées par ce qu’elles venaient d’entendre.

— Monsieur le commissaire, vous vous trompez, c’est impossible ! Nous savions tous qu’Olivier allait à la Sorbonne, protesta Le Bègue, qui était entré dans la chambre.

— Vous serez interrogé en temps utile par le lieutenant criminel, décida le commissaire en le repoussant. La culpabilité de cet homme se lit sur son visage.

Les deux archers avaient saisi Olivier qui se débattait mais l’un d’eux lui tordit si violemment le bras qu’il dut se laisser faire. Ils l’attachèrent solidement avec une lanière de cuir.

— Vous autres, déclara Louchart en désignant les servantes et le commis, ne quittez pas cette maison ! Sinon, je vous retrouverai et je vous ferai enfermer, vous aussi.

Après leur départ, Jacques Le Bègue resta un long moment prostré. Thérèse et Perrine avaient beau le questionner en pleurnichant, il ne répondait pas. Il prenait maintenant pleinement conscience qu’il avait échappé à la mort. Quelqu’un s’était introduit dans la maison et avait tué tous ceux qui s’y trouvaient. Il aurait été là, il serait mort à cette heure.

Et ce quelqu’un ne pouvait être Olivier ! Il le connaissait trop bien. L’accusation de ce Louchart était absurde. Plus il y songeait, plus il trouvait que ce commissaire avait agi comme s’il avait décidé à l’avance qu’Olivier était coupable ! D’ailleurs, il était arrivé bien vite ! Il avait même affirmé que c’était lui, Le Bègue, qui était allé le chercher, ce qui était faux. Qui l’avait prévenu ?

Il questionna la cuisinière qui était revenue la première à la maison.

— Que s’est-il passé quand vous êtes arrivées ?

— La porte était ouverte, j’étais surprise. C’est en montant qu’on les a découverts, monsieur. J’ai couru voir le tailleur, et c’est là qu’on vous a vu.

— Mais le commissaire nous a rejoints presque aussitôt…

— Oui, quelqu’un avait dû le prévenir.

— Si vite ? Alors que vous n’aviez parlé à personne, sauf au tailleur ? Qui l’a prévenu ?

— Je ne sais pas, monsieur, balbutia-t-elle, inquiète qu’on ne la croie pas.

Qu’est-ce que tout cela signifiait ? se demanda Le Bègue, désemparé.

Au bout d’un moment, il comprit qu’il ne pouvait pas agir seul. Il lui fallait du secours pour sauver le fils de son maître. Qui pourrait l’aider ? Un ami ? Mais Le Bègue n’en avait pas. Un magistrat ? Ceux qu’il connaissait ne voudraient pas se mêler de ça. Un policier, alors… Hélas, ce commissaire Louchart était déjà de la police !

Il songea soudain à leur voisin, Nicolas Poulain, qui était lieutenant du prévôt d’Île-de-France et connaissait M. Hauteville.

Il prit son manteau et son bonnet.

— Lavez-les et habillez-les. On les fera enterrer demain aux Innocents, dit-il aux autres avant de sortir de la pièce.

L’épouse du lieutenant du prévôt était la fille de l’épicier à l’enseigne du Drageoir Bleu qui vendait des condiments, des aromates, des clous de girofle, du poivre blanc, des bougies de cire d’abeille, de l’huile, du vinaigre et des fruits secs, à quelques maisons de celle des Hauteville. L’épicier était bourgeois de Paris et il appartenait à un corps respecté, le second des six corps marchands, juste après celui de la draperie.

Quand Le Bègue arriva à la boutique, l’épouse de Nicolas Poulain tenait l’échoppe avec sa mère. Dans l’ouvroir, il leur raconta le crime qui venait de se produire. Les deux femmes étaient déjà informées, car la rumeur avait vite circulé, mais elles ignoraient que le fils Hauteville avait été arrêté.

— J’ai besoin de l’aide de votre mari, madame Poulain, lui seul peut me donner des conseils. Le fils de mon maître est innocent, je le jure sur la Sainte Bible !

— S’il est innocent, il sera relâché, déclara la belle-mère de Poulain d’un air pincé.

Marguerite, touchée par son désarroi, fut plus compatissante.

— Mon mari est parti en chevauchée comme chaque semaine et ne rentrera que vendredi. Je lui ferai part de votre visite et peut-être viendra-t-il vous voir. Mais c’est une affaire dans laquelle il ne pourra certainement pas intervenir, elle dépend du Châtelet de Paris.

— Je préférerais venir moi-même, madame… je vous en prie, insista-t-il en voyant qu’elle hésitait.

Devant ses larmes, elle accepta, mais visiblement à contrecœur.

Les rapines du Duc de Guise
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